On montre du doigt ces parents qui, à l’orée des études universitaires, décident de continuer ce qu’ils ont entamé depuis deux décennies : s’occuper des études de leurs enfants. Oui ! C’est décidé, le fils qui n’a jamais rien désiré de la vie et ne sait rien faire d’autre que ramener de bonnes notes, entrera en médecine. Il pourra soulager les aigreurs d’estomac et les palpitations cardiaques que le père a développés au cours des saisons et des nuits à chercher l’argent de l’écolage, des innombrables livres et cahiers, sans oublier les multiples et inutiles « à côté » frais de TD, de polycopies. Ce n’est pas fini : mille autres rien s’y ajoutent avec les talents des écoles privées et des groupes d’enseignants pour inventer d’autres dépenses comme les cahiers d’activités ou autres livres recopiés sur internet etc.
Vous avez compris. La rentrée des classes n’intéresse au premier chef ni les élèves, ni l’État et surtout aucun de ces législateurs repus qui sillonnent en ce moment nos villes et campagnes à la recherche saisonnière de l’électorat. En fait, seuls les parents sont en première ligne, avouant les mêmes angoisses, les mêmes impréparations et les jonglages divers. Quelques bien-pensants aux revenus confortables et pour la plupart inavouables s’étonneront : mais pourquoi ne s’y prennent-ils pas à temps ? En vérité, la rentrée nous surprend toujours avec ses lots de nouveautés : les livres qui changent ; les enfants qui changent de classes et d’établissement sans oublier les scolarités qui aussi changent et augmentent partout.
Tous autour des parents s’activent pour préparer la rentrée. Généralement, l’État annonce une série de mesures pour planifier le début des classes qui approche. On peut globalement saluer le rôle des hautes autorités comme les ministres, les structures centrales et déconcentrées. En même temps, aucun de ces intervenants n’a jamais fait un paragraphe entier pour s’inquiéter du sort des parents et de leur pouvoir d’achat dans nos villes et nos campagnes en proposant des mesures concrètes pour les soulager. Les personnes à qui on devrait s’adresser, afin de les aider à trouver des solutions pour payer, payer encore et toujours payer, ce sont les parents. Les salaires n’ont pas augmenté, les travaux quotidiens harassants de milliers d’artisans nourrissent à peine, tandis que les champs ne rendent même pas le prix de la sueur dépensée. Des émissions de radios de proximité et de télévision devraient les aider à préparer la rentrée : comment gérer ce stress, échelonner les échéances et surtout comment aider les enfants à prendre conscience de l’importance de l’éducation ? Rien de tout cela. On se retrouve devant des textes mornes et sans saveur qui régissent administrativement et pédagogiquement les enfants dans un arbitraire quasi inconscient et paradoxalement avec l’immense satisfaction du devoir accompli. Et pourtant, le plus important n’a pas été fait.
D’un autre côté, on assiste à un ballet de syndicats et affiliés qui se perdent dans des revendications catégorielles avec des effets d’annonce qui ne trompent plus grand monde dans la mesure où on se rend compte, de plus en plus, que leur poids se réduit à eux-mêmes. Il faut ajouter à ceux-là les bureaux séculaires d’association de parents d’élèves où certains présidents tutoient la longévité d’une certaine reine plus digne qui vient de mourir. Mais la question importante demeure : pourquoi les seuls qui financent, orientent et s’occupent à tout moment des enfants sont-ils laissés pour compte ? On soutient de plus en plus qu’ils n’ont plus le temps d’éduquer leurs enfants, de s’en occuper. Mais que fait-on pour les éduquer, leur faciliter la tâche ; qui s’occupe de les accompagner ? On pourrait créer des associations de quartier, des structures d’échanges entre parents ; entre parents et enfants. Les réunions des parents d’élèves dans les établissements devraient trouver le moyen de se renouveler et centrer véritablement les parents au cœur du processus et non être un créneau pour ressasser des problèmes tournant autour de l’argent.
En attendant, papa et maman ne sont pas loin et il faut avouer que les tâches sont partagées : papa est dans le pilotage stratégique qui ressemble en réalité à une navigation à vue sans boussole tandis que maman est dans l’opérationnel, le quotidien, bref la débrouille. Il faut trouver chaque jour à manger, à vêtir, à conduire ou envoyer à l’école un enfant qui, dans nos pays a déjà un avenir quasi tracé : celui de chômeur.
Et encore ici, on se retrouve dans le meilleur des cas. Imaginez les familles décomposées (divorcées), recomposées (parents remariés), monoparentales (mère, seule cheffe de famille) ou complexe (polygames) ! Sans oublier tous les types de mélanges inimaginables qui in fine installent souvent la femme comme cheffe de famille.
Secouons-nous et aidons les parents à mieux faire ; créons aussi cet Institut salvateur de ces sans-voix : là se situe le véritable avenir.
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe