Interdiction du châtiment corporel en milieu scolaire : Acteurs et usagers de l’Ecole apprécient la décision - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde
/

Interdiction du châtiment corporel en milieu scolaire : Acteurs et usagers de l’Ecole apprécient la décision

8 mins read

Le ministre des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle, Mahougnon Kakpo, est résolument déterminé contre le châtiment corporel dans les établissements d’enseignement. L’autorité ministérielle, dans un courrier en date du 15 octobre 2020, a tenu à rappeler à l’ordre tous les chefs d’établissements du public et ceux du privé qui laissent perdurer le phénomène. Educ’Action a tendu son micro à quelques acteurs et usagers de l’école qui apprécient la mesure.

Socrate Sosthène Tobada, Docteur en sciences de l’Information et de la communication, enseignant-chercheur

« L’enseignant peut trouver les stratégies nécessaires pour faire passer son message »

«Il faut d’abord faire une clarification conceptuelle et dire que le châtiment corporel en milieu scolaire consiste généralement à faire subir à l’apprenant une violence, à la fois physique et morale. Cela consiste souvent, dans notre contexte africain, à user de chicotte, de lanière, de bâton et autres pour punir un enfant qui n’assimile pas, n’apprend pas ses leçons ou qui ne fait pas preuve de discipline à l’école ou en classe. L’intention première n’est pas forcément négative, mais beaucoup d’enseignants en abusent et causent des préjudices aux enfants. Combien de fois n’avons-nous pas entendu des phrases comme « il a battu mon enfant jusqu’à lui crever un œil », « les coups de bâton de l’enseignant ont laissé des traces indélébiles sur le corps de mon enfant » ? Bref, le châtiment corporel met l’apprenant sous une sorte de peur, de psychose, à telle enseigne que certains enfants ne sont pas présents d’esprit à l’école. Eu égard à cela, on est en droit d’interdire le châtiment corporel en milieu scolaire. Cependant, les comportements récalcitrants de certains apprenants font que certains enseignants se voient obligés de brandir la chicotte pour les ranger ou même de leur donner un coup de bâton pour les amener à la raison. En tout état de cause, l’on n’a pas besoin d’user de la violence avant de faire passer un message d’ordre pédagogique. L’enseignant peut trouver les stratégies nécessaires pour faire passer son message. Autrement, il peut faire usage des différentes échelles de punitions en vigueur. »

Fofana Raoufou Seibou, instituteur à EPP Maria-Gléta

« C’est la mise en confiance de l’enfant qui lui permet de s’exprimer, d’avoir confiance en lui-même et de mieux se guider dans la vie »

«Par rapport à cette problématique du châtiment corporel, je pense qu’on peut voir cela sur plusieurs angles. Quand on se réfère à l’éducation en Afrique par le passé, c’est la chicotte qui corrige. C’est par le châtiment qu’on corrige l’enfant alors que c’est extrêmement grave parce que cela avait des conséquences néfastes sur l’enfant comme par exemple, la déperdition scolaire. Le châtiment a poussé certains apprenants a déserté les classes, à faire l’école buissonnière. D’un autre point de vue, suivant le contexte occidental, l’enfant est éduqué très tôt par la confiance, on met l’enfant en confiance. Je pense qu’on n’a pas besoin aujourd’hui de faire usage de la chicotte avant d’éduquer un enfant ou avant d’inculquer une connaissance à un enfant. Bien au contraire, c’est la mise en confiance de l’enfant qui lui permet de s’exprimer, d’avoir confiance en lui-même et de mieux se guider dans la vie. Il y a plusieurs manières de punir l’enfant sans faire usage de la chicotte. Je prends dans le monde scolaire, le cas de la rétention. Aux heures de pause par exemple, l’apprenant se voit priver de 5 à 10 minutes de son temps de jeu. J’entends par temps de jeu, les temps creux où l’apprenant lui-même va dans la cour de la récréation s’acheter à manger, jouer ou communiquer avec ses camarades. Si on le prive de quelques minutes de ce temps, pour l’apprenant, cela dépasse même le châtiment corporel. Cela lui fait même plus mal que de le frapper. De mon avis, on en a plus besoin de châtier. On n’a plus besoin de la chicotte pour orienter l’enfant. »

Gyslain Sodji, parent d’élèves

« Même s’il faut supprimer définitivement la chicotte de l’école, il faut pouvoir trouver une autre formule de sanction qui va être à la hauteur de la chicotte pour corriger l’élève »

«Ce serait difficile pour l’enfant de prendre le pli quand on n’utilise pas un peu de chicotte. On ne peut pas éduquer un enfant chez nous avec zéro chicotte. La chicotte fait que l’enfant est assidu à l’école. La chicotte dont fait usage les enseignants à l’école permet à l’enfant de respecter les programmes d’études de maison et de bien faire les exercices. En tant que parent, je pense que si on enlève du coup ce châtiment corporel, les enfants vont applaudir. Mais le revers de cette décision, c’est que beaucoup d’apprenants peuvent végéter dans la paresse et aller jusqu’à embêter les enseignants parce qu’ils ne peuvent plus les taper. Certains enfants vont commencer à s’exhiber, le respect et la crainte de l’enseignant ne seront plus vraiment de mise. S’il faut éliminer la chicotte, cela doit se faire sur une longue période, de façon progressive sur une longue durée. Même s’il faut supprimer définitivement la chicotte de l’école, il faut pouvoir trouver une autre formule de sanction qui va être à la hauteur de la chicotte pour corriger l’élève. »

Réalisation : Edouard KATCHIKPE

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Les plus récents

error: Vous n'avez pas le droit de copier ce contenu !