Quelle est la plus grande valeur ? Cette question est essentielle à notre bonheur. Il faut une réponse. De manière universelle, qu’est-ce qui vaut le plus pour l’être humain par-delà les frontières, les cultures et le temps ? Le penseur antique Parménide nous demandera alors qu’est-ce qui est permanent dans toute la diversité qui nous entoure et nous anime. Très facilement, toute la tradition occidentale va d’abord insister sur l’homme en tant que conscience morale avant de s’en détourner et plonger dans la logique de l’avoir. Lorsqu’on examine plusieurs traditions africaines, la notion de bien et de mal n’est pas vraiment au centre de la vie, mais plutôt la quête d’une harmonie de l’être (équilibre social) et non de l’avoir (la monétisation et le progrès effrénés).
En définitive, pour se réaliser c’est-à dire aspirer au bonheur, on se retrouve aujourd’hui devant deux visions qui ne sont pas opposées mais fondamentalement différentes. La première aspire à une approche individuelle de l’individu basée sur l’avoir et la seconde sur sa socialisation. Dans ce contexte, la civilisation occidentale s’est imposée avec son cortège de découvertes et de progrès vecteur de changements incessants alors que de l’autre côté, on est resté dans une sorte de conservation équilibré où chacun garde sa place en attendant son tour d’être important !
Toutes les sociétés ont connu la lutte pour la survie qui s’est avec le temps, transformé en une lutte pour le confort ou mieux la réalisation de soi. A partir de là, il fallait choisir entre l’être dont la valeur se situe dans une rencontre avec la conscience à travers la morale et l’avoir qui recherche une et une seule chose : la pierre philosophale.
Lorsque vous prenez les sociétés de l’être que représentaient la plupart des cultures d’Afrique noire, la science était connue des seuls initiés et tout le social était structuré par les initiations et les interdits. Ceci permettait à tout voisin de laisser sa porte ouverte et à la jeune vierge de ne craindre aucun assaut déplaisant au détour de la rivière.
Les sociétés de l’avoir qu’on trouve en Occident ont laissé une longue trace écrite dans l’histoire où les penseurs comme les post-socratiques recherchaient ce qu’on appelait « l’ataraxie » ou la paix de l’âme. S’en est suivie une longue quête spirituelle et religieuse sur des millénaires qui s’est soldée par le choix de l’avoir qui soutient que le génie individuel peut et doit changer le monde : c’est le début du règne de la valeur argent qui fonde l’avoir.
Ainsi, des sociétés qui ont commencé par rechercher la réalisation de l’humain à travers la morale et son englobant la religion se sont détournées avec le temps,de cette conviction pour construire sur l’avoir. Alors, dans une société de plus en plus dynamique à travers les progrès scientifiques et les découvertes de nouveaux rivages, tout le pouvoir a été donné à ceux qui se construisent par leur intelligence, amassent des moyens colossaux pour gouverner le monde.
La rencontre entre les deux civilisations véhiculant deux visions difficilement conciliables a causé un traumatisme difficile à gérer qui fonde toute l’africanité actuelle : les sociétés de l’être se sont perdues dans le confort de la société de consommation tout en recherchant encore à sauvegarder leur être ! Ce qui se traduit à chaque instant par une Bible dans la main droite et un smartphone diffusant les actualités occidentales dans l’autre !
De l’autre côté se trouve une société qui a peut-être d’autres dieux plus aliénateurs comme l’internet et le dollar mais qui repousse et détruit les limites de la morale qu’elle dénature et annihile à travers une vérité fabriquée pour chaque circonstance : les fakes news.
Comment parvenir à concilier une société de l’avoir qui n’a plus aucune morale et une société de l’être qui y croit encore. C’est le fondement d’une guerre des civilisations qui ne savent plus comment dialoguer entre les uns qui manipulent au nom du progrès, du pouvoir et de la certitude et les autres qui tiennent fermement le livre saint et oubliant la houe.
Il s’agira de s’ébrouer, de se secouer et déposer la Bible. L’être peut chercher à se construire à travers un avoir revisité mais l’avoir ne peut jamais être le fondement de l’être. Il y a donc une vision qui doit sauver l’autre ; mais ce n’est pas à celle qu’on pense.
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe