Nouveau départ pour le système éducatif béninois : Quelle pertinence pour des commissions tous azimuts ? - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde

Nouveau départ pour le système éducatif béninois : Quelle pertinence pour des commissions tous azimuts ?

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Après l’euphorie de la victoire, place au travail. Le gouvernement du Président Patrice Talon semble avoir pris la mesure des enjeux et la grandeur des attentes d’un peuple exigeant qui attend des réponses immédiates. Il faudra certainement enseigner à ce peuple qu’on ne saurait en un tour magique panser les plaies béantes de la déliquescence morale et structurelle d’un pays comateux comme le nôtre où l’éducation est tout aussi grabataire que la santé et l’économie. Il faudra donc apprendre à notre peuple la patience et la persévérance dans l’effort pour atteindre le confort et le réconfort tant souhaités. Je voudrais à l’entame de cette réflexion évacuer le substrat de la pensée politicienne béninoise qui crédite d’opposants tous ceux qui tentent de voir au-delà de ce qui est proposé, et d’extirper le vrai de l’ivraie afin d’accroître les chances de succès d’une éducation que nous voulons inclusive et de qualité, accessible à tous et capable de faire des citoyens entreprenants, patriotes et compétitifs. Ne pas apporter sa modeste touche à ce qui se fait alors qu’on en a la capacité relèverait d’une gageure inadmissible pour la postérité. Le dernier conseil des ministres a, en effet, institué la mise en place d’un comité technique chargé de la mise en œuvre et du suivi des réformes de l’administration du système éducatif. Ce comité technique, selon le conseil des ministres, aura pour tâche de :

• faire une revue documentaire de tous les organes existants pour les rendre compatibles avec le conseil national de l’éducation.

• Elaborer et conduire les stratégies de mise en place du conseil national de l’éducation nouvelle version et des autres organes

• Définir les bases de la politique gouvernementale en matière de professionnalisation des jeunes. Le conseil a pris à cet effet, un décret portant attribution, administration, fonctionnement du comité technique.

Décryptage

A l’analyse du cahier des charges assigné à ce comité technique, on s’interroge sur la pertinence de l’arrimage qu’on tente de faire en présentant le CNE à la fois comme une super structure qui va, du haut de sa tour, contrôler toutes les autres chapelles de l’éducation nationale et pourtant rester dans l’opérationnel pour gérer le quotidien de l’éducation au Bénin. Quelle position occupera, le Plan décennal de développement du secteur de l’éducation qui rassemble avec ses revues trimestrielles, tous les PTF de l’éducation, dans le nouveau dispositif pour ne pas souffrir de la lourdeur de l’administration publique tout en restant un outil fiable de pilotage du système éducatif aux yeux des partenaires. Les ministères de l’éducation deviendront-ils des « watchdog » pour le CNE ? Ne nous acheminons-nous pas, une fois encore, vers un labyrinthe ? La question mérite d’être posée tant les réflexions sur le secteur de l’éducation au Bénin sont abondantes et tout au long de l’histoire.

Des acquis indéniables

Nous n’allons pas insulter la mémoire de nos dirigeants qui savent qu’en 1973, peu après la révolution du 26 Octobre 1972, il y a eu la défiance de la réforme dite « grossetête-Dossou-yovo », ayant conduit aux assises de Porto-Novo qui ont connu le premier « séminaire national sur la réforme de l’éducation ». Il ne sera pas superflus de dire qu’en exécution de la recommandation de la Conférence des Forces vives de la Nation, le Bénin a tenu les Etats généraux de l’Education en 1990. En 2007, le Président Boni Yayi a, dans la fièvre du changement, organisé au mois de février le premier forum sur l’éducation. En décembre 2014, il a cru devoir convoquer de nouvelles assises pour repenser l’éducation béninoise. A toutes ces rencontres, les sommités de notre pays ont toujours contribué aux conclusions et aux recommandations. Lesquelles recommandations sont toujours rangées au placard dès qu’elles ont eu la chance d’être éditées et vulgarisées. L’une des grandes leçons de ces assises clairsemées dans le temps, est la nécessité de former pour l’auto-emploi, de mettre un point d’orgue sur la formation technique et professionnelle afin de gérer au mieux les flux dans le système. Ces problèmes ne sont-ils pas toujours d’actualités ? Ne constituent-ils pas des défis pour notre système ? Quelle est donc la pertinence des commissions tous azimuts qui, plus que les budgets qu’elles engouffrent, perdent énormément de temps au Bénin. Un tel comité qui prend fonction ne s’intéresse nullement -en tout cas dans sa mission- à l’élaboration du nouveau plan décennal de développement du secteur de l’éducation en cours d’élaboration? C’est à croire que nous devons chaque fois réinventer la houe ! Les diagnostics du système éducatif béninois sont connus. Plusieurs études bien documentées sont disponibles sur la formation technique et professionnelle, les conclusions du deuxième forum sur l’éducation sont dormantes dans les tiroirs. Pourquoi ne pas dépoussiérer ces acquis et avancer plus rapidement.

De la zone franche du savoir ?

Par ailleurs, le même Conseil des ministres a approuvé un Projet de décret portant création de la zone franche du savoir promis dans le projet de société du candidat Patrice Talon. Le but poursuivi par la création de la zone franche du savoir, est de développer les filières d’enseignement, de recherche scientifique et d’innovation avec les structures de l’enseignement supérieur. Un quatrième décret a été aussi pris, portant attribution, fonctionnement de la commission chargée de la mise en œuvre et du suivi de la zone franche du savoir et de l’innovation. Cette commission aura pour tâche de travailler à créer le cadre légal, règlementaire et fiscal ainsi qu’à déterminer la zone d’implantation et les stratégies de mobilisation.

Pourquoi Bâtir ex nihilo ?

Aujourd’hui, le Bénin dispose d’une Direction Nationale de la Recherche Scientifique et de l’innovation Technologique, d’un Conseil National de la Recherche scientifique, d’un Fonds national et d’une Agence nationale qui travaillent, en synergie, pour faire de la recherche, le levier du développement. Nous croyons que les idées sont bonnes mais qu’il faut absolument exploiter l’existant au lieu de prétendre inventer ce qui existe déjà. Il y a beaucoup de similitude entre les réformes en cours et des structures déjà fonctionnelles qui ne nécessitent qu’un recadrage. Le Nouveau départ peut travailler à allier efficacité et efficience pour des résultats probants et durables. Notre plaidoyer va dans le sens d’un système éducatif performant, léger dans le pilotage et reflétant les besoins de notre Nation. Les Ready-made que nous importons tout le temps ne répondent pas forcément aux exigences de notre pays et souffrent d’adaptation. L’école béninoise doit pouvoir trouver l’ancrage culturel nécessaire qui lui permette l’ouverture vers cet ailleurs enrichissant et non engouffrant. Nous sommes et resterons les premiers artisans de notre mieux-être.

Ulrich Vital Ahotondji

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