Observation du jeûne dans la Donga : Quand le carême musulman isole les candidats des activités pédagogiques (Des classes désertes, des enseignants entre plaintes et désespoir) - Journal Educ'Action - Éducation au Bénin et dans le monde
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Observation du jeûne dans la Donga : Quand le carême musulman isole les candidats des activités pédagogiques (Des classes désertes, des enseignants entre plaintes et désespoir)

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Fort taux d’absences dans les classes, lassitudes physique et intellectuelle, désintérêt et dégoût pour les études. Ainsi se présente le résultat de la première semaine du carême musulman dans le rang des apprenants, surtout candidats dans beaucoup de villes et villages du département de la Donga. Educ’Action, du retour du terrain, vous fait vivre la peinture de la situation dans cette partie du septentrion Bénin

Rachida Y. est candidate au BEPC du 27 mai prochain, inscrite au CEG Pénéssoulou dans la commune de Bassila. Jeudi 09 mai, 18heures 52 minutes, elle vient de terminer le cours de français et s’empresse pour aller rompre le jeûne. Sur notre invitation, elle se rapproche, tout de même, de nous. Avec une voix à peine audible, répondant à notre curiosité, la candidate nous lança : « je suis fatiguée et j’ai faim. Je n’ai pas pu bien suivre le cours et même à la maison, je ne parviens plus à réviser mes leçons comme avant». Sa camarade, Bayana I., elle aussi candidate au BEPC qui suivait notre entretien, approuve son discours en ces termes : « c’est vrai einh! Walaï, à cause du carême, on est faible ». 72 heures plus tôt, toujours au CEG Pénéssoulou, en Terminale A, sur la trentaine d’inscrits, à peine vingt apprenants étaient en classe pour les cours de philosophie à 07 heures et du français à 10 heures. Avec l’enseignant de lettres, la séance est prévue pour prendre fin à 13 heures, conformément à l’emploi du temps. Mais déjà à l’entame, tous comme un seul homme, ont supplié le professeur de bien vouloir arrêter le cours à 12 heures. Ceci pour la seule raison que le jeûne pèse déjà sur eux. La faim, la fatigue et l’ennui sont désormais les meilleurs visiteurs de ces candidats et c’est ainsi dans la quasi-totalité des établissements du département de la Donga.
L’enseignement pendant le carême devient contraignant pour les enseignants

Aimé Ahouansou est un jeune enseignant de français, en poste au CEG Kpatougou dans la commune de Djougou. Approché au sujet du jeûne musulman dans son établissement, il réagit en ces mots : « Le carême est l’ennemi premier de l’école ici. Il constitue un véritable obstacle à l’évolution des activités pédagogiques. Tout d’abord, il ne faut pas perdre de vue le phénomène de la dégradation de l’image de l’école formelle au profit de celle coranique. Pendant la période de carême, les absences aux cours deviennent une loi… Les quelques-uns (apprenants) qui arrivent, dorment en classe et ne vous suivent pas. Du coup, enseigner pendant le carême est plus contraignant. Car les apprenants deviennent plus abêtis. Leurs têtes se vident, de plus en plus ». Au CEG Alédjo dans la commune de Bassila, la situation est pareille. « En plein cours, et même en pleine évaluation, quand l’heure de la prière sonne, 16 heures, les apprenants vident les salles pour l’al-’asr (prière de l’après-midi) », témoigne, tout déçu un professeur des Sciences de la Vie et de la Terre (SVT).Celui-ci fait, ainsi, remarquer des sorties intempestives pendant la période du carême et rejoint son collègue d’anglais du CEG Pénéssoulou, Fidèle Houénoukpo. « Moi, je devais traiter deux exercices avec ma classe de 3ème, c’est ce que j’ai prévu. Mais j’ai à peine achevé le premier car mes élèves, physiquement et intellectuellement, étaient faibles et somnolaient même », déplore ce dernier. « Le carême tel que pratiqué dans notre département, par les apprenants, ne favorise pas la bonne marche des activités pédagogiques », conclut Aimé Ahouansou. Exact, semble lui répondre Sadate Affo Bassakpaï, musulman et Censeur du CEG Pénéssoulou. « Nos candidats observent rigoureusement le jeûne. C’est un calvaire puisque c’est en cette période des préparatifs des examens que leur attention et leur motivation sont beaucoup plus sollicitées », a-t-il ajouté au micro de Educ’Action.
Les écoles primaires ne sont pas épargnées

Selon nos confrères de l’Agence Bénin Presse (ABP), dans la commune de Djougou, à l’Ecole Primaire Publique (EPP) de Batoulou/A, dans la classe du Cours Moyen, deuxième année (CM2), sur la trentaine d’inscrits, seulement dix écoliers étaient en classe, le 1er jour du jeûne. Navré, le Directeur Alexandre Dassabouté, s’en remet aux autorités politico-administratives et aux parents d’élèves. D’ailleurs, il n’est pas seul dans cette situation. Ses collègues Fousséna A.Bilha, Directrice de l’EPP Batoulou/B et Evelyne A. Korongo de Batoulou/Cessuient, elles-aussi, le fort taux d’absences dans leurs classes respectives.La première a enregistré, le 1er jour du jeûne 15 écoliers présents sur 35 inscrits, et la seconde, 13 sur les trente qui affronteront le 03 juin l’examen du Certificat d’Etudes Primaire (CEP 2019). La situation n’est pas nouvelle dans la Donga, notamment dans les villes et villages les plus islamisés comme Baparapé, Batoulou, Tépaba et Kpatougou. Pour la limiter, le Directeur Départemental des Enseignements Maternel et Primaire (DDEMP) de la Donga, Ibrahima Adamou, s’est lancé dans une tournée de sensibilisation des acteurs de l’école, en l’occurrence les apprenants et candidats aux examens. Pour lui, les séances d’explication et de sensibilisation des responsables religieux, des parents d’élèves et des apprenants eux-mêmes, sont les véritables armes qu’il faut pour contrer le ‘’phénomène’’.«Si le candidat à l’examen désire observer le jeûne, les parents doivent l’aider à faire un planning conséquent pour ses révisions », suggère le Censeur du CEG Pénéssoulou. « Il faut carrément les exempter de cela », conseillent Arouna Kpara et Michel Joachim Dangou, respectivement président des Associations des Parents d’Elèves de Batoulou et président de la Coordination des Associations des parents d’élèves et d’étudiants de la commune de Djougou. « Ceci va leur permettre d’avoir la force physique et intellectuelle pour faire face aux dernières révisions », pense-t-il.

Esckil AGBO, envoyé spécial dans la Donga

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